Zénaïs, la Sorcière
Zénaïs est née en 36 Maruthas, en captivité dans les geôles de la Citadelle, et ignore tout de son père.
De sa mère, Cyriaca, elle ne sait que ce que lui a dit l’Ancienne dès qu'elle a été en âge de poser la question : "c’était une sœur, une accoucheuse, comme nous toutes, passionnée de botanique, mais qui a commis une faute impardonnable!", sans plus de détails, si ce n’est que, dans des paroles bienveillantes, elle a toujours indiqué à la jeune Zénaïs qu’"elle ne devait pas porter la faute de sa mère sur ses épaules, celle-ci l’ayant déjà payée de sa vie."

L’apprentissage des sorcières commence bien plus tôt que dans les autres guildes, et dès 5 ans, Zénaïs apprend à lire et à compter. C’est une élève studieuse, mais isolée. Les autres vierges, même si elles voient peu leur mère (qui sont affectées pour la plupart) et quasiment jamais leur père, ont l’occasion de correspondre avec celles-ci et d’échanger entre elles sur ces lettres, ce que Zénaïs ne peut pas faire. Elle se réfugie dans la lecture, en particulier en biosciences et en génétique.
Entre 43 et 45 Maruthas, Zénaïs sent que l’atmosphère au sein du coven change et devient plus lourde. C'est aussi une période où la rumeur de circulation de puissantes drogues dans les hautes sphères du Manoir Absolu se propage dans la Citadelle. Les Mères sont nerveuses et très affairées. Certains cours sont supprimés. Des tensions et rivalités entre Mères et Anciennes troublent l'habituelle quiétude des salles d'étude. Il se chuchote que certaines Mères sont sorties de leur neutralité et ont pris le parti de puissantes familles d'Exultes, au détriment de la sororité. Les apprenties se perdent en conjectures, tandis que Zénaïs passe des heures dans la bibliothèque, en particulier dans les rayons de botanique, s'imaginant marcher dans les pas de sa mère.
C’est à cette occasion, dans un livre sur la flore de Nessus, qu’elle trouve une énigmatique inscription manuscrite en Langue Morte : “Ubi floret conium maculatum, amor latet in umbra.” accompagnée de quelques croquis : un fiacre qui brille dans la nuit, des têtes de mort volantes au-dessus et des dessins de fleurs ressemblant vaguement à de la carotte sauvage. Zénaïs ne maîtrise pas encore la Langue Morte, tout juste peut-elle reconnaître conium maculatum, “la rose tachetée”, mais elle nourrit l'espoir, du haut de ses 8 ans, d'avoir trouvé un mystère caché par sa mère sur les Sœurs Étranges. Peut-être même est-ce ce qui a entraîné sa perte ? Les rêveries de Zénaïs et les troubles dans la Guilde des Sorcières se turent mystérieusement à la mort de l'Autarque Maruthas, durant la 45ᵉ année de son règne.
Zénaïs grandit et devient l’une des élèves les plus brillantes de la guilde, s'attirant beaucoup de jalousies et l'isolant encore davantage auprès des autres apprenties. Il lui est enseigné quelques-uns des secrets des Sorcières, que le commun des mortels ignore et qui constituent l'héritage des prouesses des civilisations d'un lointain passé, en particulier ce qu'il est possible de faire par manipulation génétique ou encore par implant biosynthétique. Au fur et à mesure qu’elle lève le voile sur le savoir des sorcières, Zénaïs se rend compte de l'abîme qui la sépare de la vie d'accoucheuse qu'elle imaginait. De ses rêveries d'enfant, elle garde l'habitude presque machinale de feuilleter tout ce qui se rapporte à la ciguë, dès qu'elle a appris que c'était là le vrai nom de “la rose tachetée”.

En 4 Appian, alors que Zénaïs a 12 ans, Mère Arsénia l’emmène pour la première fois de sa vie en dehors du coven, dans ce qui lui semble être un lointain district en bordure ouest de l'immense zone urbaine de Nessus : Kalani. Elle découvre avec effroi durant ce voyage l'affreuse condition de vie de la majorité de la population, ainsi que la crainte qu'inspire sa guilde. Mère Arsénia lui confie quelques éléments au cours du voyage. Un embryon de bête de guerre génétiquement modifié par les Taurochtones de Kalani a été retrouvé sur le marché noir. Zénaïs n'en revient pas qu'une autre guilde maîtrise des savoirs semblables aux leurs. Mère Arsénia souhaite mener secrètement l'enquête sur place. Pour Zénaïs, c’est son premier voyage en dehors de la Citadelle et tout lui est étranger. Au cours de l’enquête, elle est impressionnée par l'audace et l'autorité dont fait preuve Mère Arsénia. Il faut dire que la lettre de commande signée du sceau de l'Archonte Honorius ouvre toutes les portes. Elle rencontre d'autres apprentis de guildes : Lorne chez les Clavigers au Lochus et surtout Malrubius chez les Embaumeurs aux Grandes Loges, où elle réside durant quelques semaines (voir épisodes 0.1 et 0.2).
Malgré l'odeur assez tenace qui plane toujours près du jeune Malrubius, elle se prend d'amitié pour lui alors que sa supérieure lui laisse du temps libre. Elle découvre aussi le coven secret de Kalani, où résident une Mère et son apprentie. Pendant son séjour, dans la loge des sorcières de Kalani (Quartier Astrosophe), bien modeste en comparaison de la tour des Sorcières de la Citadelle, Zénaïs fait une étrange découverte dans un herbier : les mêmes crânes volants dessinés à la page de la ciguë.
Se souvenant de l’ouvrage sur la flore découvert quelques années auparavant, elle se remémore la petite note en Langue Morte. “Ubi floret conium maculatum, amor latet in umbra.” Maintenant, elle est capable de la traduire : "Là où fleurit la ciguë, l'amour se cache dans l'ombre." Elle en est persuadée, c’est la même personne qui a fait ces dessins. La ciguë, la fleur dont on extrait un poison mortel. Zénaïs se remet à parcourir toutes les hypothèses sur l'exécution de sa mère. Une faute impardonnable ? Aurait-elle empoisonné une personne illustre ? Pourquoi ?
Finalement, après avoir poussé l'enquête jusqu'à exhumer le corps d'un Taurochtone assassiné l'année précédente, le fugitif de la Tour de l'Ours reste introuvable, et le Maître des Taurochtones finit par avouer, non sans résistance, que quatre autres embryons sont dans la nature, ce qu'ils avaient caché aux Clavigers.
Les années passent et Zénaïs approche du jour qui verra son noviciat se terminer. L'Ancienne la convoque et lui dévoile un étrange rituel des Sœurs Étranges : les marches folâtres. Elle en avait déjà entendu parler, ainsi que du fait que les sorcières ne pouvaient s'unir qu'avec des bourreaux. Mais ce jour-là, l'Ancienne lui révèle un autre aspect du rituel. L'après-midi des marches folâtres, bourreaux et sorcières font gentiment connaissance dans la cour qui sépare leurs deux tours. Cela permet à chacune et chacun de choisir le partenaire qui lui conviendra le mieux pour le soir.
Cependant, à la grande surprise de Zénaïs, elle aperçoit ce jour-là, dans la cour, la silhouette d'une jeune femme lui ressemblant étrangement. L'Ancienne lui indique qu'une comédienne a pris sa place pour cette première avant son passage au grade de Mère. Ce soir, toutes les sorcières seront masquées. Libre à elle d'aller à la rencontre du bourreau sur lequel elle peut jeter son dévolu ou de laisser une prostituée se faire passer pour elle. Pour toutes, elle aura accompli son rituel de passage et sera devenue Mère. Zénaïs hésite un long moment, puis choisit finalement de ne pas se mêler au rituel.

Le lendemain, pourtant, Mère Arsénia la salue comme une congénère et non plus comme son élève. Zénaïs reçoit alors sa bague sigillaire, prouvant son nouveau statut, comme tout guildaire devenu compagnon. À sa grande surprise, on lui offre quelques jours de célébrations, loin des jalousies des autres apprenties. Ayant remarqué l'amitié qu'elle avait développée avec les jeunes apprentis thanatopracteurs de Kalani, Mère Arsénia a réussi à convaincre l'Ancienne que Zénaïs fêterait plus joyeusement son élévation auprès des compagnons des Grandes Loges de Kalani plutôt qu'à la Citadelle.
C'est ainsi que Zénaïs repart pour Kalani, espérant revoir le jeune Malrubius, qu'elle n'a pas vu depuis cinq ans.
En arrivant sur place, seule -au soulagement de tous-, elle retrouve Malrubius, bien affairé aux préparatifs de la fête des morts. Mais elle finit par le convaincre d'aller boire un verre la veille des célébrations, dans un estaminet près du parc du Souverain Doré...
MJ Apôtre